L’éducation à domicile peut-elle convenir à toutes les familles?

Dans ce résumé de l’épisode du podcast Grandir Ensemble, Marine Dumond, présidente de l’Association québécoise de l’éducation à domicile (AQED), démystifie l’éducation à domicile. Loin de l’image qu’on pourrait en avoir, pour Marine, quand on fait l’école à la maison, on est finalement plus souvent dehors que dans la maison. Marine rend la montagne plus facile à gravir et partage des conseils issus de sa propre expérience ainsi que de celles d’autres familles.

Marine Dumond a plusieurs casquettes : elle est présidente de l’Association québécoise de l’éducation à domicile (AQED), chargée de cours en éducation à l’université et aussi maman de deux enfants de 6 et 8 ans qui font l’école à la maison. Un choix commun et une décision qu’elle a prise avec son conjoint. Comme eux, de plus en plus de familles décident de se lancer dans cette aventure avec leurs enfants, en dehors des sentiers scolaires habituels.

Qu’est-ce qui pousse les familles à prendre cette décision?

Suivre le rythme des enfants est la raison qui revient le plus souvent pour les familles qui font ce choix. Certains parents voient cela comme un mode de vie qui leur permet d’avoir plus de temps, mais aussi plus de flexibilité et de souplesse. Ces dernières années, il y a eu un fort engouement, notamment en raison des défis et des enjeux du système scolaire actuel.

« On ne peut pas battre ce 1 à 1 dans le système scolaire »

Inclure l’éducation dans la vie de famille est une décision qui se prend en famille ou avec son conjoint, car cela demande une adaptation pour tous. C’est aussi une autre manière de voir les choses. Il faut de la patience et avoir confiance en son enfant, mais aussi en soi-même en tant que parent.

Comment ça se passe concrètement?

Marine nous explique que les parents qui font l’école à la maison n’aiment pas ce terme, qui n’est pas adapté.

Le mot école d’abord. Les familles ne reproduisent pas forcément l’école. Le but est aussi et surtout d’apprendre dans la vie de tous les jours avec des exemples concrets, des jeux de société, des projets éducatifs… Les familles créent des contextes éducatifs à leur image.

Ensuite, l’expression à la maison. Les familles ne restent pas tout le temps à la maison. Certaines passent parfois même plus de temps à l’extérieur! Elles vont dans les musées, dans les centres des sciences, elles vont voir des expositions et passent du temps dans la communauté, dans la ville, rencontrent d’autres familles, suivent des « cours » avec d’autres membres de la communauté, par exemple des cours d’anglais.

L’éducation à domicile est-elle encadrée, notamment pour les parents qui souhaitent réintégrer leurs enfants dans le système scolaire?

La fréquentation scolaire pour un enfant qui a entre 6 et 16 ans est obligatoire. Ainsi, pour permettre aux familles de faire l’éducation à domicile, celles-ci doivent demander une exemption. Notons qu’il n’y a pas d’âge pour commencer ou arrêter l’école à la maison. Certains enfants continuent l’école à domicile jusqu’au secondaire et entrent ensuite au CÉGEP. Pour exempter un enfant de l’école, il faut d’abord envoyer un avis au ministère de l’Éducation, puis soumettre un projet d’apprentissage. L’avis et le projet d’apprentissage doivent être renouvelés avant le début de chaque année scolaire.

Les familles ont 30 jours suivant l’envoi de l’avis pour fournir un projet d’apprentissage tenant compte de chacune des matières visées par le ministère de l’Éducation, à savoir le français, les mathématiques, l’anglais, l’univers social et les sciences. Pour chacune de ces matières, les parents doivent prendre connaissance des objectifs du programme de formation de l’école québécoise (le programme qui est enseigné dans les écoles). Puis, en fonction de ces objectifs, ils élaborent leur projet : ils listent et décrivent les activités qu’ils mettront en place ainsi que les ressources qu’ils utiliseront, et mentionnent les compétences travaillées (selon les matières) lors de chaque activité. Le projet d’apprentissage doit aller vers l’atteinte des objectifs du programme de formation. Il est à noter qu’un projet transmis n’est pas définitif, il peut être modifié en cours d’année.

Chaque famille est jumelée à une personne responsable du suivi du projet. Son rôle est de s’assurer que le projet d’apprentissage et tout autre document soumis sont bien conformes. Cette personne-ressource effectue également des suivis en cours d’année avec la famille avec laquelle elle est jumelée.

Le programme de formation de l’école québécoise ne prescrit pas de pédagogie précise ou de manière d’enseigner. Aussi, le parent ne devient pas enseignant. Il accompagne son enfant dans sa progression. Les familles s’inspirent de tous types de pédagogie : Montessori, Steiner, enseignement par le jeu ou par thème… Certains programment leur projet avec des cahiers d’exercices, d’autres choisissent de passer par des jeux de société éducatifs. Chacun crée son propre modèle d’apprentissage. Il y a aussi énormément de ressources et de plateformes en ligne qui peuvent servir en complément à tout ce qui est fait par le parent.

Par ailleurs, il y a une nouveauté cette année, en 2021-2022 : les examens ministériels deviennent obligatoires à chaque fin de cycle, à savoir en fin de 4^e et 6^e année du primaire, puis en fin de 2^e, 4^e et 5^e secondaire.

Comment s’assurer du suivi de la progression de l’enfant d’année en année?

Le parent qui a créé un projet d’apprentissage pour son enfant l’observe dans ses activités au quotidien. Pour s’assurer de suivre la progression de leurs enfants, certains parents prennent des notes tous les jours, d’autres font des activités qui « laissent des traces », comme des projets d’écriture, des exercices dans des cahiers, des projets d’arts… Certaines familles font le point à la fin de chaque mois et programment les activités du mois qui vient. Les photos des activités sont aussi très répandues.

Le parent doit faire deux bilans durant l’année scolaire : un à la mi-année et un à la fin de l’année. On parle de bilan de progression pour démontrer de la progression de son enfant.

L’Association québécoise de l’éducation à domicile (AQED) a 25 ans cette année. Quelles sont ses missions?

• Soutenir et regrouper les parents qui ont choisi de faire l’école à la maison;
• Offrir du soutien aux familles dans toutes les sphères de l’école à la maison;
• Proposer une plateforme et des groupes de réseautage;
• Proposer des activités : cours en ligne, conférences (p. ex., une conférence en collaboration avec l’ASTROLab), etc.;
• Aider les parents avec la documentation administrative et légale (gabarits disponibles en ligne);
• Mettre à disposition des documents pour comprendre le programme québécois;
• Donner l’accès à des exemples de projets d’apprentissage;
• etc.

Conclusion

Pour Marine, l’éducation à domicile est accessible à toutes les familles et c’est un choix à faire avec les membres de la famille. Il faut faire confiance à l’enfant, mais il faut aussi se faire confiance en tant que parent, car il faut s’approprier la responsabilité de l’éducation scolaire de son enfant en devenant parent éducateur.

Il faut également se laisser du temps : du temps pour le parent afin qu’il s’adapte à ce nouveau rôle et du temps pour l’enfant qui va apprendre à vivre autrement, en dehors du rythme scolaire.

Enfin, à aucun moment ce choix n’est définitif. Les parents peuvent à n’importe quel moment de l’année décider de retourner leur enfant à l’école ou, au contraire, de le retirer.

Pour plus de détails, nous vous invitons à écouter l’intégralité du balado. Bonne écoute!